L’ESPRIT des NOMBRES, Cyrille JAVARY, Paris, octobre 2014


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L’Esprit des nombres

Cyrille Javary

Conférence Paris octobre 2015

Les Chinois aiment les énumérations chiffrées, les chiffres. Les jours n’ont pas de nom, juste des numéros.

La symbolique de chacun des chiffres

Pour nous, le début est ZERO, le chinois est allergique à l’idée de vide, de néant, de création ex nihilo, dans les ascenseurs, il n’y a pas de Zéro, le Rez-de-chaussée sera le UN, le premier étage, pour les Occidentaux sera le deuxième étage pour les Chinois, cela reste valable dans toute la sphère culturelle chinoise. Le premier chiffre de la numération chinoise sera le UN.

UN : toutes les autres civilisations écrivent le chiffre UN avec un trait vertical, seul les Chinois l’écrivent avec un trait Horizontal. Le chiffre UN, représente beaucoup plus que le UN, il donne à voir la fonction de mise en route du déroulement des nombres qui est associé avec le chiffre UN.

  • Cette ligne horizontale, dès qu’elle est tracée, délimite immédiatement un Ciel en haut et une terre en bas, donc il fait apparaître le DEUX, et, dès que le Ciel et la Terre sont apparus, automatiquement, les souffles, qui naissent de la différence de potentiel entre le haut et le bas, apparaissent aussi.
  • Donc, dès qu’on trace le UN on fait apparaître le DEUX et le TROIS

DEUX : il naît par un trait au-dessus du UN. Mais le DEUX ne naît pas du UN, comme le voudrait la logique Indo Européenne. Parce que, en Chinois, ce qui vient après s’écrit en –dessous.

  • Dès que le DEUX est posé, alors naît le TROIS. Il naît de la différence de potentiel entre le YIN et le YANG, de cette différence de potentiel naît une vibration, que les Chinois appellent un souffle, un Qi, c’est pourquoi le TROIS ne naît ni en-dessous ni au-dessus du DEUX, il naît à l’intérieur du DEUX.
  • Voilà pourquoi, dans la numérologie chinoise, le TROIS est l’emblème des souffles, sa graphie même illustre leur alternance vivifiante.
  •  A la forme globale, pyramidale, d’un triangle pointe en haut constitué par le chiffre DEUX, répond en échos, la forme triangle pointe en bas induit par le petit trait central du TROIS : compénétration vivifiante du Ciel et de la Terre. Le génie de l’idéographie chinoise nous donne à voir le mouvement avec des formes immobiles.
  •  L’idéogramme du UN est le plus difficile à tracer : il faut d’abord enfoncer le pinceau vers l’arrière, comme lorsqu’on prend appui sur la Terre, dans les mouvements de Tai ji quan et de Qi Gong, ensuite, on lance le pinceau vers la droite, arrivé au bout du jet, il faut commencer à brider cette énergie expansive, pour qu’elle ne devienne pas dominatrice, il faut commencer à revenir au Yin, et donc, opérer un mouvement de retour en arrière, tout ce mouvement se voit très bien dans le résultat immobile.
  • Une fois tracé, le trait conserve la mémoire des mouvements qui l’on fait naître. L’Horizontalité du UN qui lance la danse Yin/Yang, on va la retrouver au cœur de la graphie de chacun des nombres impairs, donc associés au Yang, dans la série des premiers nombres écrits avec un seul chiffre.
  • On va la retrouver aussi dans le trait continu du Yi Jing, comme on le trouve aussi pour les chiffres pairs, avec le trait redoublé du Yin.

QUATRE : forme globalement carrée de l’idéogramme qui le dessine, division en parcelles, comme les champs.

Le rond est la forme géométrique qui évoque le mieux la continuité du Ciel. Le carré est la forme géométrique qui évoque le mieux la multiplicité des parcelles de la terre.

  • En évoquant les champs, le caractère QUATRE a une symbolique très Terre à Terre, matérielle.
  • Depuis toujours, les pièces de monnaie ont été associées au QUATRE, par leur trou carré central (les talismans, en f orme de pièce de monnaie, ont un trou rond au centre, car il s’agit d’évoquer deux fois le Yang ou le Ciel). Par leur forme, les sapèques chinoises représentaient un résumé du plan du monde : la Terre, représentée par le carré, entourée par le Ciel, représenté par le rond.monnaie_chinoise

Le gros défaut du QUATRE est son homophonie avec le mot MORT.

On évite de l’utiliser, par exemple, dans les hôpitaux, on supprime le quatrième étage, également dans les hôtels chinois, ou on le remplace par une autre graphie, on évite aussi de numéroter les chambres avec le chiffre QUATRE

 

CINQ : Chiffre fondamentalement intéressant, en Chine. La forme ancienne qui écrit l’idéogramme du chiffre CINQ nous dit que ce chiffre est le point central entre Ciel et Terre, autour duquel s’organisent les 4 Orients.

  • On a une structure extrêmement importante du mode de pensée chinois, qui est : Centre, Milieu, Autour duquel s’organisent les 4 saisons, les 4 Orients, un axe vide, autour duquel tournent les saisons, les Orients, les heures du jour…Axe central autour duquel tourne le QUATRE.
  • Division des Chinois en CINQ catégories, les CINQ étoiles du drapeau nationaltéléchargement

les CINQ éléments …5-element

SIX : le QUATRE , Terre/ Carré, auquel est ajouté deux dimensions, en haut le zénith, en bas le navire, mais il est surtout une extension du CINQ, c’est-à-dire, le système pivot vide, autour de la répartition en quatre, est un système prêt à fonctionner, mais il faut pour cela le lancer, cela va être le travail du SIX.

  • Le SIX est un homophone d’un idéogramme qui signifie « couler de source », le SIX va être l’emblème numérique d’un bon agencement dynamique.
  • Par exemple les 6 lignes de l’hexagramme, chef d’œuvre de la combinatoire chinoise.
  • La lecture et l’écriture indo-européenne est une opération arithmétique : nous n’arrêtons pas d’additionner, n+o = no. La pupille indo-européenne qui lit, trace une ligne.
  • Ce qui n’est pas du tout le cas pour un idéogramme, la pupille tourne autour de l’idéogramme, saute au suivant, on ne peut pas épeler un idéogramme, il est un agrégat de sens.
  • La symbolique numérique occidentale est ADDITIVE, on l’appelle la résolution numérique, en 2014 = 2+1+4 = 7, nous sommes en année de type 7, c’est totalement impossible en chinois.
  • La symbolique numérique chinoise sera de type MULTIPLICATIF. Par exemple : 6×4 = 24, c’est le nombre des exemples parfaits de piété filiale, que tous les petits chinois apprenaient par cœur de puis 2000 ans, 6×5 = 30, c’est la division en deux livres des 64 hexagrammes du Yi Jing, 6×10 = 60, c’est le cycle sexagésimal (système de numération utilisant la base 60) des 10 troncs célestes et des 12 branches terrestres, qui sert à compter le temps depuis toujours, depuis le deuxième millénaire avant notre ère, le temps cyclique, 6×12 = 72, nombre d’une confrérie bien organisée,
  • Les montagnes sacrées de Wudang, Wudang Shan sont le berceau des Arts Martiaux Taoïstes, le grand pic central est entouré de 72 montagnes qui font la révérence envers le pic de Wuadng Shan, 6×18 = 108, c’est le nombre de grain du chapelet bouddhique.
  • Les mois de l’année, en chinois, n’ont pas de nom, ils sont les moments d’un cycle, comme les heures du jour, ils ont donc juste un numéro.

SEPT : la prononciation est fort proche de celle du UN, chiffre impair, premier impair après le pivot du CINQ, le SEPT est l’emblème de ce jaillissement, c’est une pousse qui après avoir ancré sa racine, surgit de la surface du sol. Surgissement est un mot qui convient très bien pour la symbolique du SEPT.

  • Le Tangram (puzzle chinois) s’appelle les SEPT plaquettes malignes, de ce magma, va surgir des centaines de figures. On peut aussi écrire tous les chiffres.

HUIT : le meilleur de tous les chiffres, sonorité fort proche du mot évoquant la prospérité, l’enrichissement. Pour les étrennes, on dépose souvent HUIT billets dans l’enveloppe pour que les HUIT billets fassent des petits.

  •  On achète aux enchères les numéros des plaques numériques, une plaque avec des 8 coûtera beaucoup plus cher ! Grand pouvoir classificateur, les 64 (8×8) hexagrammes Yi JING peut se résumer à un ensemble de 2×8 triangles.
  • Tous les idéogrammes chinois peuvent être écrits à partir d’une sorte d’alphabet de justes 8 traits de base, quant à la combinaison de ces 8 traits de base, il forme le caractère qui signifie, long, durable, éternel.
  • Tout ce qui est bien rangé doit être rangé, classé en 8, que ce soit bouddhiste, confucéen, taoïste, tout est rangé en HUIT.

NEUF : le plus chic de tous les chiffres, homophonie avec le caractère qui signifie : longtemps, prolongé, efficace. Le « feu prolongé » est plus connu sous le nom japonais de moxa, en chinois « aiguille et moxa » qui signifie acupuncture.

  • NEUF est le plus grand nombre impair d’un seul chiffre, pour cela il jouit d’une très haute réputation : les NEUF vertus prônées par le taoïsme.
  • A partir de HAN, le NEUF deviendra le chiffre impérial absolu, dans la Cité Interdite, il y a le mur des NEUF dragons, animal impérial.
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Dans toutes les portes de la Cité Interdite, les clous qui défendent la porte, sont au nombre de NEUF rangées de NEUF clous.

Aucune porte en Chine n’avait le droit d’avoir NEUF rangées de NEUF clous, sauf les portes de la Cité interdite.monnaie_chinoise

  • La seule porte de la Cité interdite qui n’a pas le droit à ces NEUF rangées de NEUF clous est la porte de l’Est, qui n’a que HUIT rangées de NEUF clous, parce que par cette porte sortait le cadavre de l’Empereur, pour aller rejoindre son tombeau, il fallait qu’il y ait un peu de Yin, une peu de nombre pair, puisque ce n’était plus un vivant qui passait cette porte.
  • Le NEUF est le chiffre du pouvoir, il y a NEUF membres au politburo.

DIX : écrit avec un seul signe, chiffre pair, il n’est pas plus grand que NEUF, mais il est plus vaste, comme il est pair, il a une étendue plus qu’un pouvoir, c’est l’emblème d’une totalité complète, comme le montre sa graphie qui croise l’horizontal avec le vertical.

  • Les fils du dragon, statuettes sur le toit des murs de la Cité interdite : ils sont là pour protéger le bâtiment, leur nombre donne l’importance politique et symbolique du bâtiment, toujours en nombre impair, 1, 3, 5,7 ou 9. Une exception : le toit de la salle du trône, il y en a 10, là où se rassemble la totalité de la religion laïque impériale.

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En Occident, les projets importants portent des noms, en Chine, ils portent des chiffres.

Dans le binôme avec lequel on nomme l’acupuncture, on retrouve le DIX, idéogramme qui désigne les aiguilles, « le métal influant ».

L’armée du caractère DIX désigne les Croisés, la croix qui est un symbole graphique familier en Occident n’existe pas dans la palette des symboles graphiques chinois, impossible d’écrire »croisé » en idéogramme, on ne peut que écrire : L’armée du caractère DIX.

La particularité de DIX est de se diviser en deux de manière harmonieuse. L’harmonie, pour nous est l’équilibre, 50/50, fantasme occidental.

  • La division harmonieuse de DIX c’est SEPT et TROIS. Nombreux multiples du DIX : 10×10 = 100, c’est l’emblème symbolique d’une totalité bien organisée, 100 manières d’écrire le caractère « longévité » 100 c’est l’ensemble des noms propres de famille chinois 10×100 = 1000, en Occident est une unité de compte d’usage quotidien, en Chine il a une très faible valeur comptable, il désigne le nombre minimum d’idéogramme à connaître. 10x10x10x10 = 1000, unité de compte essentiel, nombre de ce qui est in-comptable sans être infini, le nombre de cheveux qu’on a sur la tête, le nombre de cailloux sur une plage, in-comptable mais pas infini, notion très précise. Le chiffre agit comme une clé de sol au début d’un morceau de musique, donne la teneur, la tonalité.
  • $(KGrHqZ,!ooFBsd(QfqwBQoO!EPkog--60_35Dans un tableau chinois, on voit une représentation d’arbres, il y a 6 arbres, cela sera de l’ordre du carré qui se dresse, tenir droit, ne pas ployer sous l’humiliation, tous les tableaux de paysage représentent autre chose de ce que l’on voit,  ils représentent le Qi, invisible et pourtant là. Compter les éléments sera toujours une aide pour comprendre le message symbolique sous- tendu.huangshan5