SPINOZA CONFÉRENCE  Frédérique LENOIR, Strasbourg, décembre 2017

Baruch Spinoza, né le 24 novembre 1632 à Amsterdam et mort le 21 février 1677 à La Haye, est un philosophe néerlandais d’origine portugaise.

Son regard philosophique occidental rejoint souvent celui del’Orient, la Chine ou l’Inde, alors qu’il ne les a jamais connues, caractère universel de la raison et de l’intuition, des conceptions métaphysiques de l’Orient, de l’Inde.

Issu d’une famille émigrée juive, il fuit l’Espagne et les persécutions du roi catholique, vers le Portugal, suite aux nouvelles persécutions, puis vers la France et s’installent aux Pays Bas : seul endroit où les juifs pouvaient pratiquer en tout liberté leur religion.

La famille de Spinoza était très orthodoxe. Il lit la bible en Hébreux, vers 15 ans, ils commencent à poser de nombreuses questions embarrassantes, il relève plus de 100 contradictions dans la bible, il élabore une étude rationnelle de la bible, contextualise en croisant de nombreux auteurs de l’antiquité, et comprend que la bible est une livre écrit par plusieurs auteurs, inventé par les hommes pour des raisons politiques.

C’est la raison pour laquelle il a été exclu définitivement à 23 ans de la synagogue, avec interdiction à quiconque de lui parler. Il perd tout, sa famille, il avait perdu sa mère  l’âge de 5 ans, là il perd son père et ses frères et sœurs, ses amis. L’entreprise familiale a fait faillite, il subit une détresse amoureuse.

Il fréquente des cercles de protestants libéraux philosophes et découvre Descartes (1596 – 1650), cette voie rationnelle le comble. Elle est sans concession, comme lui.

Il se dit sans religion, philosophe, et y recherche la béatitude.

Il prend conscience du bonheur, de la joie à travers la philosophie, c’est un résilient.

Sa pensée et sa vie sont en cohérence.

Il exerçait un métier manuel : il polissait des verres pour télescopes et lunettes. Il a amélioré la vue de l’esprit, mais pas seulement.

Il est mort à 44 ans. Passe20 ans à construire une œuvre où il prône la séparation du politique et du religieux, au XVIIème siècle, c’est un philosophe des lumières,  un siècle avant Voltaire, Kant.

La démocratie fondée sur la laïcité c’est très bien, mais ça ne suffit pas, il y aura toujours de l’injustice, tant que l’être humain sera l’esclave de ses passions tristes.

A chacun d’entre nous de faire un travail pour sortir de la peur, de la tristesse, de l’envie, du ressentiment, de l’envie de dominer…Il faut relier le collectif et l’individu, le politique et l‘éthique, guider sa vie grâce à la raison et non pas grâce aux émotions.

Sortir des passions tristes pour aller vers des passions gaies : l’amour, la joie, la gratitude, le pardon, pour vivre en société de façon harmonieuse et profonde, et pas seulement parce qu’on a peur du gendarme.

Pour une philosophie éthique, le travail d’introspection est nécessaire, mieux se connaître soi-même.

« Nous ne sommes pas libres, nous sommes entièrement déterminés par tout une série de causes.

Nous avons des affects (« affectus » = émotions, sentiments et désirs qui appartiennent au corps physique. Il y a l’esprit où se logent l’intelligence, la volonté, l’intuition), et des pensées inadéquates.

Il va distinguer des idées (de l’esprit) adéquates et inadéquates.

Une idée adéquate est VRAIE, une idée inadéquate est FAUSSE.

Des idées fausses et des affects qui nous déterminent, proviennent de notre enfance.

Le libre arbitre n’existe pas (au contraire de la pensée de Descartes), on est déterminé par notre corps et notre esprit par des idées erronées.

Spinoza ne croit pas à la liberté mais à la libération, c’est le bouddhisme, grâce à notre esprit, notre connaissance, nous pouvons lâcher les causes, ne plus nous identifier à notre égo, corps émotionnel, pour aller vers une libération, atteindre la joie.

Travail de connaissance de nous-mêmes, s’observer, introspection, comment réaliser notre nature profonde.

La vraie dualité dans l’être humain n’est pas entre le corps et l’esprit, ou l’âme et le corps,  la vraie dualité réside entre la tristesse et la joie.

L’âme et le corps ne font qu’un, une seule réalité, ils fonctionnent sur 2 angles différents, la matière et l’esprit.

Nous avons en nous une seule entité qui a deux visages, celui du corps et de l’esprit, interaction et influence entre le corps et l’esprit, psychosomatique, ne pas les séparer. Dans la théologie chrétienne, l’âme est don du divin, le corps est inférieur.

Spinoza s’oppose à cette vision, il n’y a pas de hiérarchie, il valorise le corps.

Tout organisme vivant (animaux et être vivants) fait un effort pour persévérer et grandir dans son être.

La progression, le perfectionnement est accompagné par le JOIE.

La régression, le non épanouissement s’accompagnent de la TRISTESSE.

Loi fondamentale du vivant reconnu par les biologistes aujourd’hui.

L’introspection sera utile pour comprendre ce qui nous met dans la JOIE et ce qui nous plonge dans la TRISTESSE.

Notre objectif = faire reculer la tristesse et faire grandir la joie.

Plus notre esprit s’agrandit, plus on est dans la joie, plus notre cœur s’ouvre, plus on est dans la joie.

Les rencontres sont déterminantes, au niveau du cœur et de l’esprit, à nous de fréquenter les choses et les personnes qui me font grandir et d’éviter celles qui nous font du mal.

Travail de discernement.

Idem pour les idées, si on me dit que je ne vaux rien, c’est une idée qui est mauvaise pour moi, si on me dit que j’ai de la valeur, c’est une idée qui est bonne pour moi.

Accepter ce qui est juste pour moi et refuser ce qui est néfaste pour moi. Jung dit la même chose.

Devenir soi-même à travers un discernement critique de toutes les idées et les croyances que j’ai reçues enfant. Critiquer tout, qu’est-ce qui est vrai, adéquat, juste.

Il n’y a pas de vérité absolue.

Il y a des rencontres toxiques, qui reproduisent un schéma infantile, une projection.

La première fois qu’on a un rapport amoureux, il y a 8 personnes dans le lit : les amoureux, leurs parents respectifs et leurs anciens conjoints.

« L’amour, c’est une joie, liée à l’idée d’une cause extérieure. »

cause extérieure = peut être le chocolat.

La personne qu’on aime est liée à l’idée que l’on se fait d’elle, le prisme entre la personne et la joie, c’est l’idée qu’on en a….on peut avoir une idée adéquate ou inadéquate de l’autre.

Souvent on a une idée inadéquate de l’autre, parce qu’on projette, on attend le prince charmant, donc l’idée de la personne aimée sera inadéquate, on l’a vue à travers le prisme du désir, pas tel que la personne est réellement

« Nous ne désirons pas quelque chose parce qu’elle est bonne,

au contraire,

c’est parce que nous désirons les choses, que nous estimons qu’elles sont bonnes. »

Si on dit que le chocolat est bon, c’est parce qu’on désire le chocolat.

La libération c’est avoir de la lucidité sur ses désirs !

Plus on se connaît, plus on arrête de projeter, d’imaginer des choses qui vont apporter de la désillusion.

On a le droit de préférer l’illusion, le rêve, les affres de la passion amoureuse, plutôt que la lucidité de l’amour vrai…pourquoi pas, mais cela va vers la souffrance et la tristesse.

Joie et lucidité à développer.

Analyser nos « idées » que nous nous faisons de l’autre, adéquate, inadéquate.

Distinguer la joie active de la joie passive = liée à des idées inadéquates, induisent en erreur, la joie sera de courte durée.

Quand nous sommes dans la passion c’est une joie liée à une idée inadéquate, mue par nos désirs, nos projections mais pas par la vérité, dès qu’on connait l’autre dans la vérité, la joie se transforme en tristesse, on est déçu, désillusionné, l’amour se transforme en haine, joie passive.

« La haine est une tristesse liée à l’idée d’une cause extérieure »

Une joie active est fondée sur une idée vraie, est éternelle. La raison nous permet de faire la différence entre joie active et passive.

Il y a des valeurs universelles de justice, de beauté, d’amour, de vérité. Grâce à la raison, le corps et l’esprit avancent ensembles.

La raison et la volonté (capacité de l’esprit) ne suffisent pas au changement.

Si on est malheureux, pris par des affects tristes, il n’y aura pas de changement, la volonté de suffit pas.

Le désir fera la différence.

Le désir nous meut, nous donne envie de nous lever, c’est l’essence de l’homme.

Cultiver le désir est essentiel, que la raison vous permette de vous mettre dans la joie, c’est l’accomplissement du désir.

Orienter nos désirs vers la joie, grandir. C’est le message du Christ dans l’évangile, des idées adéquates, jamais Jésus n’évoque des devoirs moraux. Il n’y a que des propositions à grandir en réorientant le désir, sans jugement.

Le mot hébreux qui signifie « pêché » signifie se tromper de cible, le pêcher oriente mal son désir, vers une cible qui le rend malheureux, lui et les autres. Quitter le pêcher c’est ré orienter son désir vers des personnes ou des choses qui nous font grandir.

F Dolto : « Jésus est le maître du désir »

Spinoza est le grand philosophe du désir, ne pas écraser les gens.

Spinoza critique la religion basée sur la peur, mais, les religions qui ont l’effet positif de développer une morale qui incite les être humains à pratiquer la justice et la paix, alors elles sont utiles à la société, ce qui sépare les hommes à cause de la religion est à éliminer.

La philosophie est plus rationnelle et universelle, agir avec notre raison et non pas nos émotions.

Dieu est un être infini la totalité du réel, fait de matière et d’esprit, visible et invisible, c’est la totalité de réel, esprit et matière, nous sommes une partie de Dieu, nous participons à l’être divin, quand nous grandissons dans la joie, nous réalisons que nous sommes divins, éternels.

Il y a trois types de connaissance :

La connaissance imaginative, opinion, penser sans réfléchir

La connaissance rationnelle qui nous donne les idées adéquates

La connaissance intuitive, supérieure, la raison ne suffit pas pour nous faire savourer Dieu, nous pouvons comprendre l’existence de Dieu par la raison, mais nous ne pouvons pas l’expérimenter. Seule l’intuition permet dépasser la raison, si elle est basée sur une pensée juste, nous place dans la joie,

Spinoza est athée dans le sens où il ne croit pas en un Dieu créateur, extérieur au monde, mais il  n’est pas athée, car il pense Dieu.

Il ne prône pas Dieu, il le pense et l’écoute, cela résonne avec l’Orient qui parle de Dieu comme un Brahman, absolu impersonnel, être infini, comme le dit Spinoza, l’Atman, l’esprit dans l’être humain. La métaphysique de Spinoza résonne avec la métaphysique de l’Orient.

Le bouddhisme parle de n’avoir pas de désir = cause principale de la souffrance.

« Tout est souffrance

La cause de la souffrance est le désir-attachement

La cessation est de renoncer au désir ».

Le Bouddha parle de désir-attachement, Spinoza nous parle de Désir-moteur.

Plus on est dans le désir-attachement, plus les attachements sont nombreux, s’isoler des désirs –attachement éloigne de l’attachement, ne règle pas l’attachement, Spinoza a réglé ses affects, il a fait le travail de transformation ne s’est pas isolé de la tentation, il va plus loin.

Spinoza a du talent, du courage

Plus on est dans la joie, on développe des pensées positives, plus on attire l’énergie positive, c’est une loi relative, non absolue.